La jeunesse selon Yoani
Posté par vmozo4328 le 17 avril 2010
Une trop vielle jeunesse
Légende de la photo : Ni visages ni mains, juste des jambes pour partir.
Le plus grand rendez-vous de l’Union des Jeunes Communistes a pris fin à la Havane, mais son aîné, le Parti, n’a pas encore annoncé la date à laquelle il célèbrera son sixième congrès. Raul Castro a affirmé au début de l’année 2009 qu’il convoquerait –dans les meilleurs délais- une conférence nationale du PCC, mais aujourd’hui encore, personne ne peut la situer sur le calendrier. L’UJC l’a donc devancée en se réunissant au Palais des Conventions et en discutant de thèmes qui auraient pu donner naissance à de fructueuses polémiques si tout cela s’était déroulé dans une atmosphère de respect véritable.
Sous le slogan « Tout pour la Révolution », des centaines de visages juvéniles ont observé la table présidentielle pleine de fonctionnaires ayant tous dépassé les six décennies de vie. L’ancienne génération n’était pas là pour dire aux plus jeunes « ce pays est aussi le vôtre, c’est maintenant à vous de décider des voies à suivre », mais plutôt pour les exhorter au sacrifice, pour les réprimander pour leur manque de combativité ; ils ont aussi voulu leur arracher des engagements de continuité et de fidélité éternelle. Ce sont les typiques actions auxquelles se livre un parti politique face à son vivier, mais dans le cas cubain, il s’agit aussi de la seule organisation pour les jeunes autorisée par la loi. Il est surprenant de voir qu’à un âge où ils adoptent les postures les plus variées et où ils défendent les causes les plus incroyables, on n’autorise nos jeunes qu’à militer avec une carte rouge. Nombre d’entre eux, s’ils bénéficiaient de circonstances plus libres, iraient grossir les rangs d’un groupe écologique, se joindraient à un piquet d’activistes syndicalistes ou s’affilieraient pour exiger l’arrêt du service militaire obligatoire.
Ceux qui font aujourd’hui partie de l’UJC sont nés alors que la Période Spéciale avait déjà commencé, ils n’ont pas eu de jouets dans les magasins de produits rationnés et ils n’ont bu de lait –légalement- que jusqu’à l’âge de sept ans. Ils ont grandi grâce au marché noir et s’ils ont porté des chaussures, c’est parce que leurs parents ont détourné des biens de l’état ou ont demandé à un parent exilé de l’aide pour les acheter. Il s’agit d’une génération élevée en plein apartheid touristique qui empêchait les Cubains d’entrer dans les hôtels ou d’accéder à certains services ; des enfants nourris à coups de consignes vides dans les écoles et d’expressions de lassitude dans leurs foyers. Malgré leur engagement loyal, je les soupçonne de nourrir des rêves de revanche, d’imaginer ce moment où ils rompront toutes les promesses faites à leurs aînés.
Traduit par M. KABOUS.
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