Posté par vmozo4328 le 11 avril 2010

Il y a vingt ans, nos rues ont commencé à se remplir de bicyclettes et à se vider de leurs voitures. Ce n’était pas une mode destinée à protéger l’environnement ou à entretenir notre corps, mais le résultat direct de la fin des aides soviétiques. L’approvisionnement en pétrole à prix préférentiels venu de l’Est a été interrompu, les transports en commun se sont retrouvés paralysés et mon père a perdu son travail de mécanicien ferroviaire. Pendant ces années-là, aller au boulot pouvait vous prendre l’équivalent d’une demi-journée de travail et nous devions fréquemment voyager –tels des grappes humaines- accrochés aux portes des autobus.
C’est alors que sont arrivées du pays de Deng Xiaoping des cargaisons successives de bicyclettes qui ont été distribuées aux ouvriers modèles et aux étudiants d’avant-garde. La récompense pour un acte héroïque ou pour l’inconditionnalité idéologique n’était plus un voyage en RDA ou l’offrande du dernière modèle de Lada, mais un vélo flambant neuf de marque Forever. Des parkings se sont mis à fleurir pour protéger ces véhicules légers des voleurs et mon père a ouvert un atelier de réparation des pneus crevés. D’autres innovations encore sont apparues comme l’ajout de sièges bébé, de remorques et de paniers placés à l’avant du vélo. Même les femmes d’âge mûr qui rechignaient à montrer leurs jambes en pédalant ont fini par s’adapter et à vivre avec leur temps.
Avec la dollarisation de l’économie, on a permis aux hauts-fonctionnaire, aux artistes et aux résidents étrangers d’importer leurs propres voitures, pendant que les touristes pouvaient louer une Peugeot ou une Citroën. Du coup, les rues ont repris contact permanent avec les pneus. Les bicyclettes ont commencé à se faire plus rares parce que les bateaux qui en étaient pleins n’arrivaient plus, les pièces de rechanges manquaient et les Cubains se sont fatigués de pédaler pour aller partout. Une légère amélioration des itinéraires de bus a conduit nombre d’entre eux à se défaire de leur compagnon à deux roues, comme si par ce geste ils se libéraient de la crise.
Traduit par M. KABOUS.
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Posté par vmozo4328 le 10 avril 2010

Ceci n’est pas la chronique d’une femme qui réussit à s’échapper de l’emprise d’un mari abusif, ni l’histoire de l’adolescent qui se libère de parents autoritaires ; le titre se réfère à un autre processus d’émancipation, à cette autorisation –pénible et féodale- que doivent demander les docteurs, les infirmières et les pharmaciens pour voyager en dehors de l’île. II existe une procédure obligatoire, qui porte le nom significatif de « libération », et que doivent obligatoirement suivre les travailleurs de la Santé Publique, pour une sortie du pays temporaire ou définitive. Il est mentionné dans le dossier du voyageur potentiel s’il possède en propre une maison ou une auto, car l’Etat les confisquera s’il n’est pas de retour dans les onze mois. La démarche comprend de nombreux niveaux d’autorisation qui peuvent demander une, voire dix années. Beaucoup ne reçoivent jamais de réponse.
Mario soignait des patients dans une consultation spécialisée, et il a commencé à être regardé comme un déserteur le jour où il a annoncé son désir de rejoindre sa famille de l’autre côté de la mer. Immédiatement on l’a condamné à occuper un poste de médecin généraliste dans un corps de garde très éloigné de chez lui. On lui rappelait chaque jour que ce diplôme accroché à un mur de son bureau, c’est la révolution, que maintenant il trahissait, qui le lui avait donné. Cinq années à devoir avaler sans rien dire coups de poignard et enquêtes pour un sauf-conduit –d’abandon du pays –que le ministre concerné n’avait pas encore signé. « Nous avons beaucoup de cas, nous n’arrivons pas à traiter » lui répétait la secrétaire et son épouse exilée éclatait en sanglots à l’autre bout de la ligne lorsqu’il lui racontait çà. Pendant ce temps ses enfants grandissaient sans père dans un endroit lointain.
Dans son impuissance, Mario en vint à reprocher à sa mère d’avoir porté aux nues les études de médecine. « Pourquoi ne m’as-tu pas averti ? » lui cria-t-il un soir où il n’en pouvait plus de cette blouse blanche qui était devenue une entrave. Lorsqu’ils lui permirent de prendre l’avion un cercle de calvitie s’était formé au milieu de sa tête et un tic nerveux s’était emparé de ses mains. Ce n’était plus l’orthopédiste dynamique des années passées mais quelqu’un de décidé à quitter les hôpitaux qu’accueillirent ceux qui l’attendaient dans un aéroport lointain. L’angoissant processus de « libération » lui avait coupé l’envie de réparer un genou ou de redresser un talon ; il ne pouvait s’empêcher de penser que cette profession l’avait séparé de sa famille.
Traduit par Jean-Claude MAROUBY
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Posté par vmozo4328 le 8 avril 2010

Le dernier discours de Raúl Castro devant les jeunes, le 4 avril dernier, lors de la clôture du IXe Congrès de l’Union des jeunesses communistes, me rappelle les premiers discours de son frère Fidel quand ce dernier faisait souvent appel au sacrifice ultime : la mort. Quelque chose de grave doit se passer au sein des plus hautes sphères du gouvernement cubain pour que des phrases apocalyptiques réapparaissent soudainement. 51 ans plus tard, ce gouvernement est plus braqué et plus préoccupé que jamais. Il sait que la situation n’est plus la même qu’au début de la révolution, que l’euphorie et l’espoir d’un avenir radieux ne servent qu’à alimenter une épopée lointaine réservée aux livres d’histoire.
« Ce pays ne pliera jamais. Il préférerait plutôt disparaître, comme nous l’avons démontré en 1962. » Voilà ce que vient de dire le général Raúl Castro, en faisant allusion à la crise des missiles de 1962. Ses mots ne reflètent rien d’autre que le retour à Numance, ce qui équivaut au traditionnel cri de la patrie ou la mort. Posera-t-il la question aux onze millions de Cubains qui vivent dans l’île pour savoir s’ils veulent mourir ? Au lieu de chercher à établir un dialogue national, le général s’enferme dans une rhétorique vieille de 51 ans qui ne fonctionne plus. Les mots-clés de son discours sont « sacrifice », « sacrifice » et encore « sacrifice ». Le général pense-t-il vraiment que les Cubains veulent se sacrifier jusqu’à la mort ? Deux générations se sont déjà sacrifiées. Et les jeunes d’aujourd’hui pourront-ils laisser autre chose que du sacrifice à leurs enfants et petits-enfants ? Je ne le crois pas.
Par ailleurs, Monsieur Raúl, si on se fie aux dernières nouvelles, quelques-uns des vaillants commandants de votre gouvernement, qui autrefois luttaient contre la tyrannie et la corruption de Batista, trempent aujourd’hui dans toutes sortes de magouilles et s’enrichissent aux dépens du peuple qui, lui, se prive de tout. Rien de nouveau sous le soleil. Le général Ochoa, le héros fusillé il y a quelques années, soi-disant pour cause de corruption et de trahison envers la révolution, doit bien rire au fond de sa tombe.
Continuez à demander du sacrifice aux jeunes, Monsieur le général. Aujourd’hui, ils prennent bien note de vos demandes et demain, ils vous honniront. Demandez-leur la mort aujourd’hui, demain ils s’en souviendront. 51 ans de promesses non tenues, c’est beaucoup. L’homme ne vit pas que de sacrifices. L’heure est peut-être venue de dialoguer, de vous montrer plus tolérant et de cesser de voir l’ennemi en ceux et celles qui pensent différemment. Oserez-vous changer ?
©Victor Mozo
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Posté par vmozo4328 le 6 avril 2010
dimanche 28 mars 2010

La mort d’Orlando Zapata Tamayo a touché la sensibilité de la communauté internationale et elle a mis en évidence une fois de plus les conditions dans lesquelles vie le peuple cubain. À ce sujet, je voudrais vous traduire le post de Simon Boccanegra dans le journal vénézuélien Tal Cual du jeudi 18 mars dernier :
« Lorsqu’en 1981, la premier ministre d’Angleterre à l’époque, Margaret Thatcher, a laissé mourir deux activistes de l’IRA irlandais qui sont restés plus de deux moins en grève de la faim, un homme politique très connu a fait la déclaration suivante :
« L’acharnement, l’intransigeance, la cruauté et l’insensibilité vis-à-vis de la communauté internationale du gouvernement britannique face au problème des patriotes irlandais en grève de la faim jusqu’à la mort, nous rappel Torquemada et la barbarie de l’inquisition à l’époque médiévale.
Tremblez tyrans face aux hommes capables de mourir pour leurs idées ! Après soixante jours en grève de la faim, à côté de cet exemple, qu’est-ce qu’ils représentent les trois jours du Christ au Calvaire, symbole pendant des siècles du sacrifice humain ? C’est l’heure de mettre fin, par la dénonciation et la pression de la communauté internationale, à cette répugnante atrocité. »
Ceci a été prononcé le 18 août 1981. Par qui ? par Fidel Castro. On n’a pas besoin d’autres commentaires. Il suffit de rappeler ces mots à celui qui les a prononcés et qui a laissé mourir le prisonnier politique Orlando Zapata Tamayo en grève de la faim. »
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