Commençons par expliquer la signification de perreta pour que vous puissiez mieux comprendre. Perreta est un terme très cubain pour décrire l’enfant qui ne veut en faire qu’à sa tête et qui soudainement se met à crier, à se rouler par terre, à donner des coups de pieds parce que c’est lui qui a raison et non ses parents. Nous, les parents, sommes tous passés par là à un moment ou à un autre de notre vie. À Cuba, la plupart du temps, tout rentre dans l’ordre quand on hausse le ton.
Alors, la visite récente de Barak Obama à Cuba et surtout son discours, qui a fait des vagues parmi la population cubaine, ont provoqué chez Fidel Castro une perreta magistrale, aussi historique, dirais-je, que le discours du président américain. Eh oui, ce personnage autrefois tout-puissant, qui n’a jamais toléré qu’on le contrarie, a dû se tordre de rage dans son fauteuil roulant quand il a écouté le discours d’Obama. Sieur Castro a donc fait sa perreta. Pour montrer son désaccord, comme il ne peut plus agiter son index devant les foules obligées de l’écouter, il a écrit – ou, que sais-je, peut-être l’a-t-il dicté –, un mauvais pamphlet qui a été publié dans le quotidien « Granma ». Sieur Castro, dont l’incohérence ne fait qu’augmenter à chacun de ses écrits, a voulu verser son venin. Sauf que cette fois-ci, personne ou presque ne l’écoute ou le lit. Et si on le lit, c’est pour se rendre compte qu’il vit plus dans un autre monde que dans la vraie vie, dans le passé que dans le présent et que son ego le tue à petit feu. Castro, si proche de la tombe et si loin de la réalité.
Sieur Castro disait dans son pamphlet que le peuple cubain n’a besoin de rien, qu’il est capable de tout produire, que le président Obama peut se garder son cadeau. Sauf que de la part d’Obama, il n’a jamais été question de cadeau. Concernant la capacité de production des Cubains, si elle est si bonne, pourquoi alors la levée de l’embargo est-elle si importante? M. Castro, vous parlez toujours au nom du peuple sans jamais lui demander son opinion. Sachez donc que si vous, votre famille et la clique qui vous suit depuis janvier 1959 ne manquez de rien, le peuple, lui, a besoin de pas mal de choses et s’il survit, c’est en partie grâce aux cadeaux que leur envoient les Cubains qui vivent précisément dans la patrie de ce président que vous osez critiquer. On pourrait conclure, après avoir fait un grand effort pour vous lire, que si la connerie et la stupidité pouvaient se mesurer, vous auriez battu tous les records.
On peut être d’accord ou non avec la visite d’Obama dans l’île, mais une chose est certaine, pour une fois, les Cubains sont unanimes, vous n’êtes plus rien! Alors, continuez votre perreta. Je vous en souhaite bien d’autres jusqu’à ce que mort s’ensuive.
30 mars 2016 | Victor Mozo - Exilé cubain, traducteur à la retraite, Saint-Jean-de-Matha | États-Unis
Photo: Pablo Martinez Monsivais Associated PressLe président américain Barack Obama et le commandant-président Raúl Castro ont partagé plusieurs moments la semaine dernière à Cuba.
La récente visite du président Barack Obama à Cuba a été qualifiée, avec raison, d’historique. De plus, son discours devant des invités triés sur le volet et le commandant-président Raúl Castro accompagné de ses plus proches collaborateurs, en plus de passer à l’histoire, a pu toucher directement presque tous les Cubains puisque le gouvernement en place, qui contrôle tous les médias du pays, leur a donné la permission de diffuser le discours. Par contre, il n’a fallu que quelques heures après le départ d’Obama pour que la machine de propagande castriste critique l’illustre visiteur et surtout son discours. Fidel Castro lui-même vient de publier un article qui dit entre autres, et je cite : «Nous n’avons pas besoin que l’impérialisme nous fasse cadeau de quoi que ce soit.» Pour lui, la confrontation vaut plus que la réconciliation, et le passé est plus acceptable que ce qui s’annonce pour l’avenir. En fait, le discours d’Obama, qui avait démonté en l’espace d’une demi-heure une vieille rhétorique rigide et agressive et ouvert de ce fait la porte à une politique de la main tendue, a soulevé tout un branle-bas de combat médiatique.
Par ailleurs, si on se fie aux commentaires des Cubains dans l’île et même à ceux des plus récalcitrants de Floride, le discours d’Obama a laissé de bonnes traces. Habitués à entendre depuis des décennies des discours hostiles aux Américains, les Cubains se retrouvaient devant un chef d’État qui leur adressait la parole et qui n’avait pas peur de dire ce qu’il était venu dire, un homme charismatique au sourire facile face à une nomenklatura devenue plus que fade avec les années. Le peuple cubain a su l’apprécier. Son allure décontractée faisait ombre à ceux qui dirigent d’une main de fer les destins de leur pays depuis presque 58 ans.
Si la visite a commencé sous la pluie et sans Raúl Castro pour l’accueillir, les Cubains ont pu voir le premier président noir des États-Unis tenant lui-même son parapluie, comme l’ont fait sa femme et ses filles. Tout un symbole de simplicité. Les Cubains sont friands de symboles. Et ils ont senti le vent tourner. Ce ne sera plus comme avant, même si la propagande castriste essaie de dire le contraire.
«Sí se puede»
Je suis sûr que si le président Obama avait été reçu comme les dirigeants cubains ont reçu par le passé les Kadhafi, Chávez et autres dirigeants de cette gauche populiste, le peuple aurait été présent pour l’acclamer. Cependant, son arrivée a été soigneusement planifiée pour qu’il ait le moins de contact possible avec la population. Mais peu importe, la population a compris : son lien avec les États-Unis n’en est pas qu’un de confrontation ou d’agressivité. Une grande partie des Cubains de l’île ont de la famille aux États-Unis et celle-ci les aide à vivre et à survivre. Il y a plus d’amour que de haine. La preuve la plus vivante de cela sont ces jeunes qui rêvent toujours de quitter l’île pour aller vivre aux États-Unis.
J’ai vu un avant et un après. J’ai vu aussi le commandant-président Raúl Castro sortir de ses gonds quand un journaliste lui a demandé s’il y avait des prisonniers politiques à Cuba. Il bafouillait, faisant semblant de ne pas comprendre pour finalement donner une réponse digne d’un seigneur féodal. Pourtant, monsieur le commandant-président ne répond jamais aux journalistes étrangers à moins de connaître d’avance les questions qu’on va lui poser.
On se perd en conjectures depuis le rétablissement des relations entre les États-Unis et Cuba. Par exemple, on évoque une invasion américaine par les McDonald’s et autres Burger King. La mainmise impérialiste, quoi ! Mais on oublie que le capitalisme est aussi français, italien, canadien, et que tout le monde veut avoir sa part du butin. Or, il n’y a pas de syndicats encombrants à Cuba. Donc peu de droits à respecter et une main-d’oeuvre bien formée et soumise. Un point qu’a évoqué le président Obama dans son discours quand il a dit : «Un travailleur devrait obtenir un emploi en traitant directement avec les entreprises qui investissent à Cuba. […] La prospérité dépend de l’éducation, de la santé et de la protection de l’environnement. Mais elle dépend aussi de la circulation libre et ouverte des idées.»
Même si tous ses problèmes quotidiens sont loin d’être résolus, le peuple cubain gardera l’image d’un président américain souriant, capable de faire des blagues, venu avec sa famille et saluant ceux et celles qu’il pouvait, comparé à un commandant octogénaire toujours prêt à se bagarrer à la moindre contradiction. Merci donc, Monsieur le Président Obama, bon boulot. La balle est maintenant dans le camp des Cubains. Et comme vous dites : «Sí se puede.»
Tout devient beau et bon à Cuba, pour la visite historique de deux jours du président Barack Obama.
Le peuple cubain, lui, avec cette bonne humeur et la résignation qui le caractérisent, y va déjà de ses commentaires : « Depuis 50 ans que je vis dans ce quartier, je n’avais jamais vu un travail si bien fait », mentionne un homme devant un nid-de-poule énorme qui vient d’être réparé.
« Celui qui veut connaître la route qu’Obama empruntera n’a qu’à suivre le tapis noir de l’asphalte. »
– Un Cubain
« Dommage qu’il ne vienne pas jusqu’au village d’Atarés, les maisons y sont tellement délabrées qu’on ne peut même pas les maquiller avec de la peinture », dit une femme. La Havane se donne des airs de carte postale. On peint, on asphalte, on rénove, on enlève tout ce qui est sale, y compris les mendiants. Journalistes et autres « historiens » s’occuperont de maquiller le reste. Louée soit donc la révolution castriste.
Ouverture totale, fin prochaine de l’embargo pour certains, peur de la mainmise américaine pour d’autres. Soudainement, des présidents, des ministres et des journalistes oublient le passé. Ceux et celles qui élevaient la voix pour s’insurger contre le sort réservé aux opposants ou contre le contrôle excessif du gouvernement sur la population deviennent sourds et muets. « Le passé a été effacé, cet effacement oublié, le mensonge est devenu vérité », écrivait Orwell.
Mais soyons optimistes. La visite d’Obama représente un atout pour ce président qui, selon certains dires, est plus populaire à Cuba que les frères Castro. C’est aussi une façon de faire le plein d’illusions pour les Cubains qui, de tout temps, ont porté les Américains dans leurs cœurs. La jeunesse cubaine continue à voir « l’ennemi impérialiste » comme la vraie solution à tous ses malheurs et ne rêve pour la majorité qu’à partir aux USA. La Yuma, selon l’expression populaire, l’a toujours attirée. Et cette visite met un peu de baume, même si c’est éphémère.
Deux jours, c’est très court pour une visite à Cuba, président Obama, mais je sais que vous ferez de votre mieux. Parfois, en politique, il faut être à la fois avec Dieu et avec le diable. Dommage que vous ne puissiez pas visiter, à La Havane, des quartiers très pauvres comme la Lisa, la Palma, le Cotorro, Palocagao. Tout est planifié pour votre visite y compris la rencontre avec quelques dissidents. Même les spectateurs qui verront avec vous le match de baseball opposant Cubains et Américains ont été triés sur le volet et on exige d’eux de la discipline même si certains n’aiment pas le sport national. Entrée garantie donc pour des membres du Parti et de la Jeunesse communiste. La visite de la première dame a aussi été précédée par des réparations à la hâte et des consignes bien précises au personnel qui la rencontrera. Big Brother is watching you.
La carte postale composée expressément pour le président Obama est belle. Moi, j’en ai une autre, plus triste, celle d’une jeunesse qui fuit le pays, celle d’un pays dont la population vieillit sans espoir, celle où le taux de suicide est le plus élevé en Amérique (16,3 pour 100 000 habitants, selon l’OMS et l’OPS) et où le taux d’alcoolisme est aussi très haut. Consultez les journaux cubains et vous verrez. Bienvenue, monsieur le président, les généraux et les hauts dirigeants qui vous recevront s’en frotteront les mains et crieront victoire. Le peuple, lui, attendra la prochaine vague qui le mènera aux côtes de la Floride. Pour le moment, le gouvernement américain a fait beaucoup de concessions, et c’est très bien. Mais le gouvernement cubain en fera-t-il autant ?